Un ministre en combinaison de vol

Par Philippe Borentin

En cette fin d’année 1970 Michel Debré est ministre de la Défense Nationale. Il aurait dû, à ce titre, être le premier à bénéficier d’un vol de présentation à bord du Concorde mais il n’est que le deuxième. Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances avait été invité le 29 novembre 1969 par André Turcat, lui aussi ancien polytechnicien, pour être le premier homme politique français à voler en supersonique.

Toulouse, samedi 12 décembre 1970, le Concorde 001 décolle à 7h06 pour se rendre à Brétigny sur Orge. Atterrissage à 7h41 après un vol sans problème de 41 mn à une altitude maximum de 25 500 pieds. Brétigny est la base principale du CEV qui a en charge, au titre de l’Etat, le suivi du programme Concorde. Sa proximité de la région parisienne explique le choix de cet aérodrome pour le vol de présentation au Ministre d’Etat de la Défense Nationale.

Afin de respecter les spécificités des vols d’essais, Michel Debré a revêtu une combinaison de vol. L’équipage est constitué des pilotes d’essais Jean Franchi (à gauche) et André Turcat (à droite), du mécanicien navigant d’essais Michel Rétif, de l’ingénieur navigant d’essais Henri Perrier et d’Hubert Guyonnet qui assure les fonctions d’expérimentateur électronicien. Henri Ziegler, Président d’Aérospatiale, accompagne Michel Debré.

Il est prévu un vol d’une durée de 2 h avec un retour à Brétigny sur Orge. A la mise en route, un emport de 61,5 T de carburant entraine une masse totale de 149 T et le centrage est positionné à 52.8 %. Le Concorde 001 quitte le bloc à 10h28 pour un décollage sur la piste 23. Les conditions météorologiques sont correctes pour un mois de décembre : un vent calme, un plafond de 600 pieds, une visibilité de 1800 m, une pression au sol (QFE) de 1018 hpa. Le décollage a lieu à 10h36 sur une piste légèrement humide.

Le plan de vol prévoit le survol du Calaisis avant d’entrer sur la mer du Nord pour effectuer son accélération supersonique. Lors du trajet retour, après le virage à Mach 2 par le travers des Iles Shetland, l’équipage apprend que le terrain de Brétigny est fermé en raison d’un brouillard important. La première décision est un déroutement sur Bristol, mais avec un Ministre d’Etat à bord, l’équipage doit pour des raisons protocolaires renoncer à cette possibilité. Une amélioration du bilan pétrole conduit à envisager une 2ème décision de déroutement sur l’aéroport militaire de Tours. Le bilan pétrole continuant à s’améliorer la décision finale de déroutement sur Toulouse est prise à la satisfaction générale et ministérielle.

Le Concorde 001 atterrit à 13h04 sur la piste 15 D de Toulouse. A son arrivée au bloc, Michel Debré peut se satisfaire d’avoir volé à Mach 2 alors que son collègue des Finances n’avait volé qu’à Mach 1.

C’est dans sa combinaison de pilote qu’il a ensuite attendu que le brouillard se lève à Brétigny afin que le Falcon ministériel puisse décoller pour lui apporter ses vêtements.

PB

La trajectoire suivie par le vol 115