Premiers détails sur le train d’atterrissage de Concorde

Article publié dans la Revue Air et Cosmos, n° 108 du 4 juin 1965

Parmi les nouveaux équipements dont il sera question au Salon du Bourget, le train d’atterrissage de Concorde sera évidemment l’un des plus in­téressants. C’est la première fois, en effet, que nos spécialistes : Messier, pour le train avant, Hispano-Suiza, pour le train principal, sont appelés à étudier et à réaliser le train d’atterrissage d’un avion de 150 tonnes ultramoderne et les solutions adoptées ne manqueront pas d’être examinées par les techniciens de cette difficile spécialité.

Le train avant

Messier expose la maquette réalisée en vue d’effectuer les essais préliminai­res indispensables à la mise en fabrica­tion des prototypes. Ce train avant a été étudié sous l’optique de la légèreté, du faible encombrement, de la tenue, en température et en fatigue, de la sécurité de sortie même en cas de panne totale des circuits hydrauliques et électriques.

La géométrie générale de l’avion exige un train avant d’une longueur supérieure à 4 mètres. Malgré cela, le poids de l’ensemble, équipé de ses roues et de ses pneus, sera inférieur à 0,5 % du poids de l’avion au décollage (soit moins de 740 kilos pour un poids total de 148 tonnes). Ce résultat a été obtenu grâce à la longue expérience de Messier et à l’emploi d’aciers 35 N CD 16 à haute résistance (utilisés par la société depuis plus de dix ans, en particulier pour la série de plus de 500 trains de Mirage III). Les températures d’emploi varieront entre  – 60°C et + 140°C.

La jambe élastique du type direct est équipée de deux roues en diabolo. Etu­diée pour occuper en position rentrée le minimum de volume et perturber le moins possible les formes du fuselage pressurisé, elle est contre ventée laté­ralement par un système de barres qui s’articule et se fixe sur la structure de l’avion. L’amortisseur est incorporé à la jambe et comporte une course de 500 mm.

La commande de direction est consti­tuée par un ensemble indépendant bou­lonné sur la jambe et comporte un vérin de commande à crémaillère, contrôlé par un dispositif électrohydraulique double (normal et secours).

Avant le relevage, le rappel dans l’axe des roues est assuré mécaniquement par la détente de l’amortisseur. Le vérin de direction assure également la fonction anti-shimmy. (La liaison en rotation des deux roues du diabolo limite le risque de shimmy). Pour les manœuvres au sol, le braquage des roues peut être aug­menté en désaccouplant les compas. Un verrouillage annexe du vérin contrefiche évite tout escamotage accidentel.

Le relevage de la jambe vers l’avant est obtenu par action de deux vérins parallèles, freinés à chaque extrémité de leur course pour éviter tout choc lors des verrouillages haut et bas. L’accrochage de l’atterrisseur escamoté s’effec­tue sur un verrou automatique fixé sur la structure de l’avion. Le contreventement train bas est assuré par une barre télescopique et complété par un ver­rouillage de parking. La sortie peut être assurée en dernier ressort par l’action conjuguée de la gravité et des efforts aérodynamiques.

Cette conception répond à une clause exigeant la sortie et le verrouillage en toutes circonstances y compris en cas de non sortie des atterrisseurs princi­paux. Les matériaux ont été choisis dans la triple optique de la légèreté, de la tenue à la chaleur, de la tenue en fatigue. Leur couplage a été prévu de façon que les assemblages soient insensibles aux dilatations ou contractions.

Le train principal

Chez Hispano-Suiza, l’atterrisseur prin­cipal a fait l’objet d’une étude orientée dans le sens « Minimum de masse pour un maximum de sécurité » ; Concorde impose en effet à tous ses composants structuraux des conditions particulière­ment exceptionnelles. Des problèmes importants de tempé­rature et de fonctionnement ont conduit au choix d’une version d’atterrisseur tout acier à haute résistance (186 hbar).

La géométrie et le dimensionnement exté­rieur de l’atterrisseur à boggie ont été définis d’une part en fonction de l’angle de cabré à l’atterrissage, impo­sant une hauteur de train de 3500 mètres entre l’axe d’articulation et l’axe du boggie, et d’autre part en fonction de l’emplacement réservé dans la structure avion. L’énergie verticale, à l’atterrissage, est absorbée par l’ensemble élastique comportant des pneumatiques de dimen­sion 45X15,75 – 21”, un amortisseur principal à deux chambres et deux amor­tisseurs de tangage. Ces derniers ont également pour but d’assurer la sou­plesse au roulage de l’appareil. Le contreventement latéral de la jambe en position «train sorti» est assumé par une contrefiche télescopique à verrouil­lage interne mécanique type «Cara­velle». Cette contrefiche, déverrouillée hydrauliquement n’intervient pas lors de la rentrée du train. Enfin, la cinémati­que de la jambe du train, par le choix judicieux d’un système «bielle levier», permet, pendant la manœuvre, de béné­ficier au maximum du travail fourni par le vérin de relevage, réalisant ainsi une rétraction relative de 400 mm entre les positions «train sorti» et «train ren­tré».