OMN Officier Mécanicien Navigant

Fin 2007 le B747 classique, dernier avion d’Air France piloté à trois, est retiré du service. Depuis cette date, il n’y a plus d’Officier Mécanicien Navigant dans les cockpits d’Air France. Pour tous ceux d’entre nous qui ont volé sur Concorde, c’est avec émotion que nous voyons disparaître ce métier. Comme le disait un de nos grands anciens, sur Concorde, il n’y a pas un commandant de bord, un pilote et un mécanicien, il y a trois aviateurs.

Cet article, paru dans “Briefing”, revue interne de la Direction des opérations Aériennes d’Air France, retrace brièvement l’histoire de ce grand métier.

PG

Des Officiers Mécaniciens Navigants voleront à bord des Boeing B.747 Classique d’Air France jusqu’à la fin de l’exploitation de ces avions fin 2007. De l’apogée de la profession où ils étaient environ 850, l’effectif diminue fortement en fonction de la flotte. Au total en France, 3000 licences d’OMN ont été délivrées par l’Aviation Civile. Ces Femmes et ces Hommes, qui ont participé à l’essor du Transport Aérien et de la Compagnie, ont toujours arboré fièrement cet insigne de poitrine, différent de celui des pilotes, avec ses ailes supportant une hélice et le globe terrestre frappé des parallèles et des méridiens ainsi que du ruban bleu, blanc, rouge. Pour les plus jeunes d’entre vous qui ne voleront sans doute jamais avec un Mécanicien Navigant nous vous proposons ce petit zoom sur leur histoire qui, restera à jamais, intimement liée à l’aventure de l’Aéronautique.

Clément Ader en 1890, les frères Wright en 1903, Blériot, Farman et la plupart des pionniers de l’aviation ont été des inventeurs, de véritables bijoutiers de la mécanique qui ont « chevauché » leurs machines et ont été de fait les premiers pilotes. Leur contribution aussi importante qu’historique est largement connue.  Souvenons-nous simplement qu’il fallait d’abord maîtriser la mécanique avant d’aborder le pilotage.

L’Officier Mécanicien Navigant en abréviation l’OMN trouve ses racines dans les premiers mécaniciens placés côte à côte ou en tandem avec les pilotes sur des avions monomoteurs. Ils effectuaient la visite prévol de l’avion, les dépannages et l’entretien en escale dans des lieux déshérités le long de la côte Ouest africaine et de la côte Est de l’Amérique du sud. Chaque état dans le monde, doté d’une aviation, a développé chez lui un schéma semblable.

A partir de 1920 fut créée la ligne Paris-Londres-Paris assurée par des Farman Goliath français et des Handley Page anglais. Les Laté 25 et 26 furent mis en ligne en 1927, les mécaniciens étaient affectés à une mission qu’ils devaient poursuivre jusqu’au bout même en cas de changement de pilote ou d’avion. Le dépannage au sol était à la charge du mécanicien navigant qui arrivait avec l’avion dépanneur.

Ils apprirent à piloter sur le tas, mais aussi en école de pilotage, pour soulager les pilotes durant le vol, devenant ainsi pour le pilote, le premier « pilote automatique ».  Ce qui peut faire sourire aujourd’hui !

A l’arrivée des avions multi moteurs, notamment hydravions, avec deux pilotes à bord, ils participèrent de plus près encore à la conduite du vol en surveillant et en assurant les réglages fins des moteurs au travers de l’instrumentation. Ils stoppaient un moteur défectueux avant que les dégâts ne soient irréversibles. Au préalable ils effectuaient la visite prévol extérieure et intérieure de l’avion, afin de contrôler son aptitude au vol, plus particulièrement du côté des systèmes y compris les commandes de vol et l’état extérieur de la machine.

Le premier avion construit avec un poste de mécanicien navigant fut le Boeing 307, quadrimoteur pressurisé, dont le premier vol remonte au 31 décembre 1938. En France, le Bloch 161 « Languedoc », le Latécoère 521 puis 631 étaient équipés d’un tableau de bord spécifique à la fonction de Mécanicien Navigant.

Mécanicien Navigant était devenu une profession à part entière, sanctionnée par un Brevet. Malheureusement les archives ne nous donnent pas le nom du premier impétrant.

Après la seconde guerre mondiale, l’arrivée des multi moteurs modernes, très sophistiqués, rendit le mécanicien navigant indispensable. Il disposait d’un tableau de bord qui présentait de nombreux paramètres et il intervenait en permanence sur les réglages des moteurs qui étaient de plus en plus puissants mais aussi très fragiles (moteurs surcompressés). Il assurait aussi la gestion des systèmes : pressurisation, climatisation, électricité, carburant, pneumatique, hydraulique …

Sur avions long-courriers (Lockheed Constellation et Super Constellation, par exemple), il devint même nécessaire d’embarquer deux mécaniciens navigants qui travaillaient simultanément dans certaines phases de vol. Ils furent même au nombre de trois sur les plus gros Latécoère.

Le Mécanicien est alors devenu « Officier Mécanicien Navigant » ou OMN, pleinement intégré dans l’équipage de conduite. La consistance de la licence et l’organisation de l’entraînement évoluèrent au fur et à mesure des progrès technologiques.

Avec l’avènement des réacteurs les OMN participèrent de plus en plus à la conduite et au suivi du vol et de la trajectoire. Dans les années 1970 et 80 furent intégrés des modules d’acquisition de compétences en navigation, radiocommunication, propulsion, nouvelle instrumentation « glass cockpit ».

Ce ne fut pas le cas des mécaniciens navigants militaires qui demeurèrent attachés à la conduite des moteurs mais disparurent peu à peu, sauf lorsque la certification de l’avion nécessitait leur présence (Transall C 160 par exemple, avion équipé de turbopropulseurs). Précisons tout de même qu’ils étaient beaucoup plus sollicités que les OMN civils pour les opérations au sol : chargement, déchargement, maintenance. Ils ont de toute façon prouvé leur capacité à s’adapter, beaucoup de mécaniciens navigants militaires ayant ensuite travaillé dans les compagnies aériennes.

Au début du métier, les OMN étaient issus des services d’entretien de l’armée de l’air ou des compagnies aériennes, mais l’introduction de l’électronique a fait s’élargir le recrutement parmi d’autres catégories de professionnels, du Bac + 2 à l’Ingénieur.

A cette époque les OMN, qui travaillaient dans les cockpits de ces avions long-courriers, multi moteurs à pistons, puis réacteurs ou turbopropulseurs, avaient pour collègues : le commandant de bord, le pilote, le navigateur et le radio navigant.

Puis, entre 1970 et le début des années 1980, le Boeing 707 et le Douglas DC8 passèrent ainsi progressivement de l’équipage à 5 membres à l’équipage à trois membres avec l’apparition de moyens de radiotéléphonie plus modernes et plus fiables ainsi que les nouveaux systèmes de navigation inertiels entraînant  la disparition des métiers de radionavigant et navigateur.

Ces professionnels se sont transformés, certains devenant OMN, d’autres devenant pilote. Ce fut le début d’une longue série de conversions qui, depuis la fin des années 1980, a aussi touché les OMN dont plus de 600 d’entre eux sont devenus pilotes et commandants de bord. Ils ont, par là, démontré leur capacité d’adaptation.

Au début des années 1980, les mutations technologiques introduites par les constructeurs, imposèrent la réduction des équipages. Ainsi de trois, l’équipage de conduite est alors passé à deux, condamnant la profession d’OMN.

Leur encadrement et leurs représentants syndicaux anticipèrent alors, une fin annoncée de la profession afin d’assurer une transition harmonieuse pour tous. Ils relevèrent le défi d’une ultime adaptation. Ils renforcèrent encore le champ des connaissances de l’OMN qui reçut alors la formation nécessaire pour un passage ultérieur dans la fonction de pilote de ligne. L’Ingénieur Navigant de l’Aviation Civile (INAC ou IN), ainsi conçu, vit le jour fin 1982. Dans l’exercice de la fonction de mécanicien navigant, l’IN a les mêmes prérogatives que l’OMN.

La disparition de plusieurs compagnies employant des OMN telles que Air Liberté, AOM, puis Air Lib, l’arrêt des vols commerciaux du Concorde le 31 mai 2003, l’arrêt progressif des B.747/200 et 300, dont le dernier sortira de la flotte début 2009, sonnent, pour Air France, la fin des avions PEQ3 et, par conséquent, du métier d’OMN.

Ainsi, après des années et des milliers d’heures de vol sur toutes les lignes de la Compagnie, le B.747 Classique « PAX » a tiré sa révérence durant l’été 2006 pour laisser sa place, sur ses dernières escales Antillaises, au B.777-300, plus moderne et beaucoup moins vorace en kérosène. Son exploitation deviendra alors, exclusivement cargo.

Dans le souci de préserver le même niveau de sécurité des vols jusqu’au dernier atterrissage du dernier avion de la flotte avec un OMN, la Compagnie et les organisations professionnelles ont signé, depuis l’arrivée des avions pilotés à deux, des accords successifs assurant un traitement digne, à la hauteur de ce merveilleux métier.

Air France, Air Inter et UTA ont fait voler pendant des décennies des avions PEQ3. Comme le CDB et l’OPL, l’OMN restera un des maillons indissociables de l’équipage de conduite à trois et ce, jusqu’au dernier vol d’un avion « classique » à Air France.

Article, paru dans “Briefing”, revue interne de la Direction des Opérations Aériennes d’Air France