Mon nom Jany Bellat, née Berger le 23 juillet 1941. J’ai été intégrée à Air France à 29 ans en juillet 1970, alors que les critères d’hôtesse au moment de ma candidature étaient « plus de 21 ans et moins de 27 ans ». Dans ma situation, pour ce poste « d’hôtesse bébé », il n’a pas été tenu compte de mon âge pour m’intégrer car je suis veuve d’un officier pilote d’Air France décédé dans un accident aérien. L’hôtesse bébé est une hôtesse qui s’occupe exclusivement pendant tout le voyage (métropole et toutes les escales AF) d’un petit enfant non accompagné ou d’un bébé attendu par un parent à l’arrivée. En été plusieurs hôtesses sont demandées à ce poste. Ensuite une seule hôtesse suffit. Or cette dernière était déjà en service. Aucun poste pour moi ! Mais ayant un passé aéronautique car hôtesse d’accueil à la compagnie aérienne UTA, et une silhouette préservée, on m’a proposé d’intégrer la Compagnie comme hôtesse à « part entière ! »
Ici commence véritablement ma carrière, en novembre 1970, directement sur long courrier, secteur Amérique du Sud (LC2), puis plus tard sur Boeing 747 secteur Asie (C1) jusqu’en 1980 lorsque le 1er juillet de cette même année j’effectue mon 1er vol sur Concorde. Le 1er novembre 1982 je réponds à la proposition de la Compagnie d’une formule de « travail en temps alterné » pour retrouver et m’occuper de ma famille. Au 1er juillet 1992, date de ma fin de carrière, je totalise 800 heures de vol sur Concorde et un total de 9891 heures.
Voler sur Concorde ! une aventure extraordinaire que j’ai vécue avec passion ! Mon mari Georges Bellat officier pilote, (voir la biographie de Georges Bellat sur le site du Mémorial Creusois : www.airmemorialcreusois.fr) rêvait de pouvoir être un jour aux commandes de ce merveilleux avion, lui qui avait transporté, en Beechcraft, André Turcat, pilote d’essais de Concorde. Un vol mémorable, car André Turcat, durant tout ce voyage, lui avait communiqué sa passion. Il lui avait même fait voir le prototype du Concorde.
Notre fils Pascal, né le 3 novembre 1966, en m’accompagnant pour ses 14 ans sur un vol Paris Mexico avait été invité par le commandant de bord, Monsieur Chanoine, à assister à l’atterrissage sur Mexico. Une émotion qu’il n’oubliera jamais. Il a compris ce jour-là ce qu’avait été le rêve de son Papa ! pouvoir un jour piloter cet avion merveilleux !
Je continue avec mes amis de l’APCOS à faire revivre notre Concorde, en recueillant les témoignages de celles et ceux qui ont vécu l’aventure Concorde et donner des expositions conférences pour le faire connaitre ! Nous continuons à partager nos souvenirs collectifs ou personnels et des anecdotes qui nous font parfois pouffer de rire. Les passagers avaient l’habitude de dire « Avion exceptionnel, personnel de bord exceptionnel » et il se créait autour de cette phrase un comportement de nos passagers également exceptionnel fait de confiance et de complicité partagée.
Je me suis trouvée dans cette situation, pour moi invraisemblable, dont le souvenir reste gravé dans ma mémoire !! Paris New York, le 10 décembre 1980, on m’a attribué un poste à l’avant de l’appareil. J’ai comme passagère au 1er fauteuil la Princesse Grace de Monaco et sa fille Caroline. Elles semblent beaucoup s’amuser, très complices car leurs rires parfois fusent dans la cabine ! Après le repas, me trouvant à côté de mes passagères, la Princesse me demande si elle peut visiter le poste de pilotage. Je l’accompagne mais à l’avant de l’appareil se trouvent les toilettes. La Princesse s’arrête, ouvre la porte et la referme vivement, puis se dirige vers moi, m’attrape le bras, et pose sa tête sur mon épaule en riant : elle me confie la cause de ce rire « Le pauvre homme !! il avait oublié de fermer la porte ! » Imaginez la scène ! Non ! Inimaginable ! Je suis interdite … collée au sol l rouge de confusion moi aussi ! La Princesse retourne à sa place et me demande si cela me ferait plaisir d’avoir son menu signé par elle et la Princesse Caroline ? Je la remercie chaleureusement, heureuse de sa proposition. Je garde ce menu précieusement. J’ai eu beaucoup de peine en apprenant sa disparition accidentelle ! Je l’avais eue à bord de nombreuses fois sur New York en Boeing 747. En septembre 1982 j’ai partagé le chagrin du peuple de Monaco qui pleurait sa Princesse bien aimée ! La disponibilité et la gentillesse instinctive faisait partie de nos critères à tous.
Mais l’anecdote ci-après prouve que certains passagers pouvaient en abuser. Sur un Paris New York, à la fin du vol, je suis appelée par un passager (DR Commercial de chaine TV nationale) qui me demande si je vais à New York prochainement ? J’ai justement un courrier prévu quelques jours plus tard. « Pourriez-vous me rendre un grand service : on doit me ramener sur Paris un petit chien, en me faisant le geste montrant un tout petit chien, il tient dans un panier, mais on ne peut pas le mettre en soute, il n’a que 2 mois ! J’ai pensé que peut être vous pourriez le ramener en cabine à votre retour ? » Je pense que cela serait possible après l’accord du commandant de bord. J’obtiens cet accord. Le vol New York – Paris : dans le hall de départ à l’aéroport, je me renseigne auprès de l’hôtesse à l’enregistrement, qui me désigne une grosse caisse pour la soute. A l’intérieur un gros chien qui aboie et pleure ! Une femme vient me voir et m’informe, assez condescendante « il pleure, je lui ai donné du valium pour qu’il dorme pendant le vol » Je me penche vers le chien et découvre avec stupeur que ce « petit chien » est un « Siberian Husky » de 2 mois. Un beau bébé, adorable mais imposant !! Je laisse cette dame et me précipite vers le chef d’escale et le commandant de bord, M. Massoc pour leur expliquer la situation. Eclat de rire du Cdt Massoc qui me rassure : On va installer ce « petit chien » au dernier rang à l’arrière ! Ce petit chien sous valium a hurlé tout le vol ! A l’arrivée je retrouve son propriétaire qui, souriant, me demande : « Alors le vol s’est bien passé ? ». NON, il a hurlé tout le vol et dérangé les autres passagers et je continue froidement : « Je suis très contrariée car je pense que vous avez abusé de ma gentillesse. J’ai été mise en difficulté vis-à-vis des autres passagers, car certains se sont plaints du dérangement. » Je laisse ce monsieur assez gêné et penaud ! Le lendemain je reçois une magnifique azalée imposante, grande comme un petit chien dans un panier ! Quelques jours plus tard, me parvient un carton où le propriétaire du petit chien s’excuse. Il n’a pas cherché à me tromper. Pour lui un chien de 2 mois était un petit chien qui pouvait tenir dans un panier !
Des anecdotes, nous en possédons tous, certaines parfois cocasses qui ont parsemées nos carrières et qui nous ont laissé de merveilleux souvenirs ! J’ai connu une grande expérience professionnelle. Exceptionnelle que rien dans ma vie ne pouvait présager. Seul un destin tragique en est responsable ! Mais ce destin m’a aussi apporté une autre vie… Riche en contacts humains, dans tous les pays du monde, à Mach 2.0 !…
Jany Bellat