Où en est Concorde ?

Article publié dans la Revue Air et Cosmos n° 135 du 15 janvier 1966

On sait que les progrès réalisés dans le développement de Concorde ont permis d’apporter à l’avion de présérie un certain nombre de changements donnant une amélioration appréciable des performances caractéristiques opérationnelles et de la rentabilité sans toutefois engendrer de répercussions importantes sur la conception de la structure et des systèmes. Les dimensions, la masse et la charge marchande de Concorde sont devenues les suivantes :

Caractéristiques   Prototype Présérie
Longueur     56.3 m     58.0 m
Capacité  118 pax 136 pax
Masse maxi au décollage 148 tonnes  154 tonnes
Charge marchande10.7 tonnes 12.7 tonnes

Structures et systèmes

La longueur de la partie pressurisée de la cabine de l’avion de présérie a été augmentée de 5.90 m par rapport à celle du prototype, bien que l’augmentation de la longueur du fuselage ne soit que de 2 m environ. Ceci a été obtenu grâce à un allongement de 1.10 m du fuselage vers l’avant (2 travées de hublots) et à un recul de 4.80 m  de la cloison arrière pressurisée. La pointe arrière a été augmentée de 0.905 m, ce qui donne un allongement total  du fuselage de 2 m.

La porte ventrale arrière a été remplacée par 2 portes latérales situées dans la partie pressurisée de la cabine, juste en avant de la cloison pressurisée arrière. La porte gauche mesure 0.962 m x 1.676 m et la porte droite 0.6 m x 1.22 m. L’utilisation faite de l’espace situé sous le plancher, entre le train avant et le train principal, a été revue ce qui permet l’aménagement d’une soute à bagages unique de 8.8 m3 de volume comparés au 10.93 m2 de la double soute existant sur le prototype. Mais la nouvelle disposition a permis une augmentation de la capacité de carburant contenu dans le réservoir de fuselage. Le volume maximum de carburant utilisable en vol a été porté de 79 T à 84 T.

Aménagements commerciaux

La cabine allongée et la nouvelle disposition de la cloison pressurisée arrière et des portes ont amélioré les possibilités de transport de l’avion de présérie et les conditions d’évacuation en secours.

L’un des aménagements types proposés pour cet avion comporte 136 fauteuils au pas de 34 pouces. Deux toilettes sont installées au milieu de la cabine et une du côté gauche, en avant de la porte d’entrée principale des passagers. Il est également possible d’installer une seule toilette à l’avant et deux toilettes à l’arrière de la cabine, de disposer les offices de différentes façons ou d’aménager une version mixte.

L’avion de présérie possède 4 issues de secours de chaque côté du fuselage, dont deux de type I et deux du type III.

Les bagages sont transportés dans une soute unique sous plancher et une soute supérieure à l’extrémité arrière de la cabine, de volume variable ; dans le cas d’un aménagement à 136 passagers, le volume total des soutes correspond en moyenne à 0.11 m3 par passager ou membre d’équipage.

Performances et responsabilité

La masse plus élevée de l’avion de présérie lui permet de transporter une charge marchande supérieure à celle du prototype sur des distances atteignant 3 500 miles nautiques (6 500 km), la charge marchande maximum étant de 12.700 kg au lieu de 10.700 kg pour le prototype.

Les coûts de l’avion/km de l’avion de présérie sont légèrement supérieurs à ceux du prototype, mais par contre, grâce à un nombre de passagers plus élevé, les coûts du siège/km sont inférieurs de 15 %.

Programmes d’essais

On a assisté ces derniers mois à une augmentation notable des activités consacrées aux essais de Concorde, en particulier en ce qui concerne la fabrication des éprouvettes de grandes dimensions et la construction des bancs d’essais à l’échelle grandeur.

Aérodynamique

Les formes aérodynamiques sont fixées depuis un certain temps et la plus grande partie des essais en soufflerie actuellement en cours a pour but d’établir définitivement les caractéristiques générales de l’avion. Ceci entraîne une vérification détaillée des paramètres aérodynamiques de base y compris les caractéristiques de stabilité, les charges et moments de charnière de gouvernes et la mesure des champs de pression sur la voilure et la partie avant du fuselage. Des maquettes au 1/8 pour les basses vitesses, au 1/30 et 1/60 pour les grandes vitesses sont utilisées actuellement pour ces essais qui sont effectués dans une douzaine de souffleries françaises et britanniques.

Matériaux et structure

D’une façon générale, les essais ayant pour but de déterminer les caractéristiques de l’AU2GN sont terminés.

A l’heure actuelle on recherche surtout la simulation exacte des conditions d’ambiance ; les matériaux sont soumis d’une façon continue à des cycles complets figurant les conditions d’un vol type. De cette façon, il est possible d’étudier en détail l’influence de la superposition des charges mécaniques et de la température et donc d’évaluer les effets de l’interaction des différentes charges sur les caractéristiques du matériau. Un grand nombre d’éprouvettes ont déjà été soumises à des essais accélérés et les essais en temps réel se poursuivent.

Les essais structuraux sur éprouvettes en vraie grandeur se développent à Toulouse et à Filton : deux tronçons de fuselage de 4.5 m de long (dont l’un comprend les emplantures d’ailes) ont été utilisés pour la mesure des niveaux de contraintes d’une structure soumise à des combinaisons de pression, de charges mécaniques et de cycles de température. L’installation d’essai de Filton comporte un système d’air ventilé utilisant successivement de l’air chaud et de l’azote liquide, pour simuler complètement les températures auxquelles Concorde sera exposé. L’installation de Toulouse utilise des lampes à rayonnement infrarouge pour le chauffage en phase d’accélération et un courant d’air, refroidi par de l’azote liquide pour la phase de décélération.

En plus de ces deux tronçons de fuselage, d’autres éprouvettes en vraie grandeur sont en construction : une pointe arrière de fuselage en cours d’assemblage à Warton, un tronçon de fuselage avec caissons de voilure et ailes extrêmes en construction à Toulouse, et un autre tronçon de fuselage avec caissons de voilure dans la zone du train principal, en voie de finition à Toulouse. De plus, un tronçon de fuselage avant est en cours d’assemblage à Filton et la partie avant du fuselage est en construction à Weybridge.

Le poids de ces diverses éprouvettes varie entre 3 et 7 tonnes et leurs dimensions atteignent jusqu’à 22 m en envergure ou 15 m dans le sens longitudinal.

Dans le même temps, de petites éprouvettes d’étude de structure sont soumises à des essais de fatigue thermique

Systèmes

La construction du banc d’essai du système complet de combustible progresse suivant le programme. La construction du laboratoire est presque achevée.

Un nouveau laboratoire d’équipements a été construit à Toulouse. Il abritera notamment le banc d’essais combinés du système hydraulique et des commandes de vol qui permettra de vérifier les caractéristiques d’éléments tels que les pompes, les échangeurs de chaleur, les bâches, les servocommandes, etc… et de contrôler le fonctionnement et l’endurance des systèmes complets. Tous les équipements de commande des atterrisseurs, des entrées d’air, de la visière et du nez basculant seront également incorporés à ce banc d’essai, auquel sera connecté ultérieurement le simulateur de vol qui doit entrer en fonctionnement dans le deuxième semestre de 1966. Ce semestre est appelé à jouer un rôle considérable pour la mise au point et l’optimisation d’ensemble des systèmes avant de servir, le moment venu, à l’analyse des résultats d’essais en vol. L’installation comprend aussi des laboratoires, des bureaux d’études, des bureaux de dépouillement et d’analyse des résultats, des ateliers et une chambre de climatisation.

La plus avancée des installations générales est celle qui, à Filton, servira aux essais du système de génération et de distribution électrique. Elle comprend une maquette du poste de pilotage et du compartiment électronique, et est en cours de câblage. Les prises de mouvement des ensembles d’entraînement à vitesse constante des alternateurs sont montées et sont en ordre de marche. Un des systèmes de génération fonctionne déjà et dès la fin de l’année 1965, il a été possible de procéder à des essais partiels.

Le nombre des heures consacrées au développement du système de conditionnement d’air est déjà considérable et un tronçon de cabine de 6 m de long complètement équipé, a été soumis en caisson d’altitude à plusieurs séries d’essais de vols types. Ces essais, au cours desquels l’échauffement cinétique était simulé, ont démontré le fonctionnement satisfaisant du circuit de distribution d’air dans la cabine dans les conditions normales et en secours. Une éprouvette similaire, en cours d’achèvement à Toulouse, sera d’abord utilisée pour les essais du système de régulation de température. A une date ultérieure, les deux tronçons seront soumis ensemble à un programme d’essais combinés. A Filton enfin, la construction d’une éprouvette du poste de pilotage permettant d’étudier les conditions d’ambiance de l’équipage est très avancée.