Le dernier vol du Sierra Alpha

Par Philippe Borentin

Le jeudi 20 mai 1976, le Concorde 02 est prêt pour son 314ème et dernier vol. L’Aérospatiale, en accord avec Aéroport de Paris, décide de convoyer le F-WTSA à Orly afin de l’aménager pour qu’il puisse être visité aux côtés du prototype de la Caravelle.

L’avion quitte Toulouse sous un ciel clément. La masse de l’avion est très faible et l’absence de post combustion ne perturbe pas le décollage. Pendant ce vol intégralement subsonique, le défaut de certains instruments ne gêne pas la croisière. Un violent orage s’abat sur l’aéroport d’Orly, pendant que l’avion est en approche. Sans l’anti-skid, le Sierra Alpha reste droit sur la piste malgré la pluie battante, mais avec les reverses désactivées l’équipage trouve que le bout de la piste arrive rapidement. Jean Franchi et Gilbert Defer décident alors de faire du tout terrain, en coupant sur l’herbe pour rejoindre la dernière bretelle de dégagement. Par miracle, seuls quatre pneus ne supportent pas ce raccourci. Quant à Ugo Venchiarutti, sa crainte principale est la perte du train avant qui aurait pu briser intégralement l’appareil.

Equipage de ce vol : Jean Franchi et Gilbert Defer, pilote d’essai, Ugo Venchiarutti, mécanicien navigant d’essai et Claude Durand, ingénieur navigant d’essai

Le 26 septembre 1973, moins de 3 ans avant son dernier vol, le Sierra Alpha arrivait à Orly en provenance de Washington Dulles après la première traversée de l’Atlantique Nord à vitesse supersonique

Cet atterrissage délicat vient terminer la brillante carrière du Sierra Alpha qui avait commencé à l’automne 1972.

Le F-WTSA, avion de présérie effectue son roll out le 28 septembre 1972, en même temps que celui de l’Airbus A 300B. C’est le 10 janvier 1973 qu’il s’envole pour la première fois. L’objectif principal qui est assigné au Sierra Alpha est de démontrer sa capacité à effectuer un vol transatlantique. Dès son 15ème vol, il parcourt, dans des conditions de vent nul, près de 6000 km, soit une distance légèrement supérieure au 5 940 km d’un vol transatlantique et quelques jours plus tard, il fait un vol de 6 300 km, d’une durée bloc de 3h38, dont 2h54 en supersonique et plus de 2 heures à Mach 2, avec une charge marchande de 11 tonnes correspondant à un taux de remplissage de 100 %.

Après sa participation au Salon du Bourget 1973, le Sierra Alpha effectue une tournée de démonstration sur le continent américain qui se termine en apothéose le 26 septembre 1973 par le 1er vol transatlantique entre Washington et Paris Orly.

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Campagne grand froid à Fairbanks

Cet avion unique poursuit sa carrière avec les essais au froid à Fairbanks et Anchorage en février 1974, les vols de pré endurance (5 allers-retours Paris – Rio de Janeiro), une course avec un Boeing 747 entre Paris et Boston, une seconde tournée sur le continent américain en octobre 1974 et sa participation à l’inauguration de l’aéroport Mirabel de Montréal en octobre 1975.

Après 3 ans d’une carrière exceptionnelle, il effectue son dernier vol d’essai le 29 janvier 1976 et reste ensuite sur le tarmac de Blagnac où il sera quelque peu cannibalisé. Les réchauffes et l’anti-skid sont retirés ainsi que de nombreux équipements non essentiels.

Après son dernier vol vers Orly, l’avion est désarmé. De nombreuses pièces sont récupérées pour être utilisées en tant que rechange sur le F-WTSB, premier Concorde de série.

Actuellement, cet avion, qui est la propriété de la Mairie d’Athis-Mons, est exposé sur l’enceinte du Musée Delta où l’association Athis Aviation – Musée Delta participe à sa remise en état.

PB

Equipage du 1er vol du Sierra Alpha : Jean Franchi (Pilote d’essai) – Jean Pinet (Pilote d’essai) – Claude Durand (Ingénieur navigant d’essai) – Jean Beslon (Ingénieur navigant d’essai motoriste) – Yves Pingret (Mécanicien navigant d’essai)

Ci-dessous un dessin humoristique de René Deymonaz qui faisait suite à la sortie de piste à faible vitesse d’un Concorde Air France à l’issue d’un vol de contrôle technique en 1998