L’atterrisseur principal de Concorde

Article publié dans la Revue Air et Cosmos, n° 144 du 19 mars 1966

Les spécifications de l’avion supersonique de transport Concorde imposent des conditions d’utilisation par­ticulièrement exceptionnelles.

En effet, au problème commun à tous les atterrisseurs (minimum de masse pour un maximum de sécurité) est venu s’ajouter celui de la température posé par le vol supersonique. On a ainsi été conduit au choix d’une version d’atterrisseur tout acier à haute résistance (186 hbar).

L’utilisation de ces aciers a nécessité de longues et minu­tieuses études en laboratoire, qui faisaient suite à celles déjà entreprises pour d’autres trains d’atterrissage en acier, réali­sés par Hispano-Suiza (entre autres pour le Breguet 1050).

Par ailleurs, la géométrie et le dimensionnement extérieur de l’atterrisseur ont été définis :

  • d’une part, en fonction de l’angle de cabré à l’atter­rissage, d’où sa hauteur de 3,5 m entre l’axe d’articulation et l’axe de boggie
  • d’autre part, en fonction de l’emplacement relativement réduit qui lui est réservé dans la structure de l’avion

Le problème ainsi posé a donné naissance au train prin­cipal dont on trouvera, ci-après, les caractéristiques primor­diales.

Caractéristiques géométriques

La hauteur du train de l’axe d’articulation à l’axe du boggie est de 3,5 m en position tout détendu. La voie principale des deux trains principaux est de 7,68 m. La voie des diabolos AV et AR est de 0,64 m, l’empattement des diabolos AV et AR est de 1,615 m, l’entraxe entre palier AV et palier AR est de 1,6 m.

Chaque jambe de train est équipée de quatre pneuma­tiques de dimensions 45 x 15.75 – 21″.

Description de l’atterrisseur

Chaque train principal se compose de :

1 – Une traverse, en acier à haute résistance, portant à chaque extrémité les axes d’articulation du train sur la structure avion, celle-ci recevant les paliers rotulaires étanches.

2 – Un fût, en acier à haute résistance, venant s’adapter sur la traverse à l’aide d’une liaison type «Fail Safe». L’intérieur du fût reçoit l’amortisseur principal et le système d’embiellage de rétraction en cours de relevage.

3 – Une contrefiche fixe, en acier à haute résistance, venant s’adapter sur la traverse et le fût par l’intermédiaire de deux liaisons du type «Fail Safe».

4 – Un ensemble d’amortisseur principal. Cet amortisseur est du type « 3 tubes » à deux chambres d’air (une chambre haute pression et une chambre basse pression). Cet ensemble comprend, en outre, deux diaphragmes (haute et basse pression) et deux pistons séparateurs air-huile (haute et basse pression). Le tube coulissant est en acier à haute résistance et sert de corps d’amortisseur. Des paliers spéciaux montés sur le fût assurent le coulis­sement de ce tube et permettent de réduire considérablement les frottements dus aux déformations de l’ensemble de jambe en cours de fonctionnement.

5 – Deux ensembles compas ayant un caractère «Fail Safe» et permettant, de par leur encombrement réduit, de satisfaire la voie actuelle des diabolos. Ces compas sont fixés d’une part, sur la partie basse du fût, pour la branche supérieure et, d’autre part, sur la partie basse du tube coulissant pour la branche inférieure. L’assemblage des branches supérieures et inférieures par des rotules réglables assurent exactement la position du balancier de boggie par rapport à l’axe de jambe.

6 – Un balancier de boggie, en acier à haute résistance, venant s’adapter à la partie inférieure du tube coulissant et permettant une inclinaison longitudinale du boggie de plus ou moins 18 degrés. Ce balancier porte à ses deux extrémités la fusée de chaque diabolo et les ferrures d’attache d’amortisseur de tangage. D’autre part, les plaques de couple des freins peuvent tourillonner librement sur des bagues entretoises montées sur la fusée.

7 – Deux amortisseurs de tangage identiques et de caractère «Fail Safe» permettant d’absorber toutes les irrégularités du sol au cours du roulage (passage de bosses, caniveaux, roues dégonflées) et d’assurer le positionnement orthogonal du balancier par rapport à l’axe de jambe, tant en cours de manœuvre de relevage, qu’en position train rentré. Ces amortisseurs, fixés d’une part, sur le tube coulissant et, d’autre part, sur le balancier par l’intermédiaire de la ferrure d’attache, sont à double effet (compression et traction) et permettent de par leurs courses de compression et de traction de réaliser le débattement longitudinal de – 18 de­grés du balancier de boggie.

8 – Quatre barres de frein identiques et de caractère «Fail Safe». Ces barres fixées d’une part, sur le tube coulissant et, d’autre part, sur les plaques de couple des freins, retransmettent les efforts de freinage, tant en marche avant qu’en marche arrière, au tube coulissant et à toute la structure de jambe.

9 – Pour permettre au train de se loger dans la soute qui lui est réservée, la jambe se rétracte de 440 mm pendant le relevage.

Ce système de rétraction comprend :

– Un embiellage interne constitué de deux bielles alignées et verrouillées entre elles durant toutes les phases d’atterris­sage et d’évolutions au sol. Cet embiellage transmet les efforts venant du sol à la partie supérieure de la jambe de train. Le verrouillage mécanique de cet ensemble est assuré par un crochet actionnant une noix de verrouillage type SVTB Caravelle (Système verrouillage Train Bas, brevet Hispano Suiza). Le déverrouillage s’effectue hydrauliquement.

– Un embiellage externe relié à la structure avion et qui en cours de relevage, permet à la suite du choix judicieux des points d’articulation des éléments le constituant, de briser l’embiellage interne et ainsi de réaliser une rétraction relative de 440 mm avec un passage en surrétraction à 470 mm entre les positions «train sorti» et «train rentré».

– Un vérin de rétraction destiné à soulager l’embiellage externe lors des ressources de l’appareil en cours de manœu­vre de train et assurer le verrouillage de l’embiellage interne lors de la sortie du train.

10 – Un système de verrouillage train bas (contrefiche télesco­pique) assurant le contreventement latéral de la jambe de train en position verrouillée bas. Le verrouillage du système est obtenu par immobilisation de la tige en position sortie par des secteurs de verrouillage type SVTB Caravelle. Une signalisation optique directe est prévue sur chaque boîtier de verrouillage en supplément des contacteurs de signalisation normaux. La sécurité au sol est assurée par un verrou de blocage à main. Ce système, déverrouillé hydrauliquement au moment du relevage n’assure pas celui-ci.

11 – Un système de relevage composé :

  • d’une triangulation articulée sur l’axe de rétraction sur fût et sur la traverse,
  • d’un vérin de relevage articulé sur l’axe de rétraction du fût et sur le balancier de relevage,
  • d’une bielle articulée sur la triangulation et le balancier de relevage,
  • d’un balancier de relevage articulé sur la structure avion. Le système adopté de bielle-levier permet de bénéficier au maximum du travail fourni par le vérin.

12 – Un bottier d’accrochage «train haut» à butée élastique fin de course incorporé. Ce boîtier, fixé sur la structure avion, comporte un crochet à verrouillage mécanique de déverrouil­lage hydraulique normal et secours. Le déverrouillage peut également être effectué mécanique­ment à partir d’une commande manuelle située au poste pi­lote. Le système de butée élastique est prévu pour amortir la fin de course et préserver le boîtier. Cette butée est ré­glable au montage et permet d’assurer un accrochage correct du train.

13 – Un circuit hydraulique de freinage et de manœvre (rele­vage et descente) normal et secours est assuré par des ensem­bles de tuyauteries articulées.

14 – Un circuit électrique permettant, par un faisceau approprié, de connecter les différents contacteurs disposés sur le train.

15 – Un circuit de métallisation et déperditeur de potentiel assurant la liaison par tresses des principales pièces de l’atterrisseur.

16 – De quatre freins et de quatre roues de 21 pouces (53 cm).

17 – De quatre pneumatiques de dimensions 45 X 15,75 – 21”

Conditions générales de fonctionnement

Train en configuration de relevage : Le relevage du train est assuré hydrauliquement par la succession des séquences suivantes :

  • Déverrouillage du système de rétraction, ouverture et verrouil­lage des trappes ouvertes.
  • Déverrouillage de la contrefiche télescopique et action hy­draulique sur le vérin de rétraction.
  • Relevage et rétraction du train par action hydraulique sur le vérin de relevage.
  • Accrochage et verrouillage train rentré.
  • Fermeture et verrouillage trappes fermées.

La sécurité est assurée par des interdictions et des séquen­ces pendant les différentes phases du relevage :

  • Sur compas : Interdiction de relevage du train non délesté.
  • Sur balancier : Interdiction de relevage du train, balancier non perpendiculaire à l’axe de la jambe.
  • Séquence sur déverrouillage de l’embiellage de rétraction et verrouillage trappes ouvertes.
  • Séquence sur contrefiche télescopique.
  • Sur compas et sur traverse : Contrôle de position correcte de la rétraction en cours de relevage à l’angle correspon­dant au passage des portes par les roues du boggie.
  • Séquence sur boîtier d’accrochage train haut pour coupure alimentation des vérins de relevage et de rétraction.
  • Un laminage hydraulique fin de course de relevage est prévu pour limiter au maximum l’énergie à absorber par la butée train haut.

Train en configuration descente : La descente du train est assurée hydrauliquement en normal et en secours, avec la suc­cession des séquences suivantes :

  • Ouverture et verrouillage trappes ouvertes
  • Déverrouillage accrochage train haut et descente par action hydraulique sur le vérin de relevage
  • Verrouillage de l’embiellage de rétraction et de la contrefiche télescopique
  • Fermeture et verrouillage trappes.

Descente par gravité : En plus de la descente hydraulique de secours, la descente du train et son verrouillage par gra­vité peuvent être effectués en cas d’urgence. Cette manoeuvre est réalisée par déverrouillage mécanique des trappes principales, suivi de celui du boîtier d’accrochage train haut.

Les circuits hydrauliques de retour sont mis à l’air libre par l’intermédiaire de robinets commandés mécaniquement.

Sécurité d’abord

On note le soin particulier apporté à la sécurité :

  • Par l’emploi de liaison «Fail Safe»
  • Par les verrouillages du type SVTB
  • Par l’utilisation judicieuse des interdictions et des sé­quences pendant les phases de relevage et de descente du train.
  • Enfin par le dispositif de descente et de verrouillage par gravité.

Précisons enfin que l’exploitation par les Compagnies Aé­riennes du train principal Concorde est déjà étudiée par le département Après-Vente de la Société Hispano-Suiza. Les utilisateurs pourront ainsi, dès la mise en service de Con­corde être assurés d’obtenir le meilleur rendement des équipements de la firme de Bois-Colombes montés sur cet appareil.