Par Henri Perrier et Gilbert Defer
En ligne, nous ne percevions pas le miracle que représentaient les entrées d’air Concorde. Nous disposions d’une liberté d’utilisation des moteurs, comparable à ce que nous connaissions sur Boeing 747, quelque chose d’assez rare sur les avions supersoniques militaires de l’époque.
Leur mise au point finale et leur certification fut un moment décisif du programme Concorde. Henri Perrier a joué un rôle majeur dans ce processus en obtenant que ces essais soient effectués à Casablanca par la France. Il en a témoigné le 28 mai 2009 devant les caméras d’André Rouayroux et Loïc Pourageaux. © Gens de Concorde – DR. Transcription Pierre Grange
Henri Perrier.

Jean Franchi – Henri Perrier – Gilbert Defer
HP

Lever du jour à Casablanca – Nouasseur, le Concorde N°1 s’apprête à entamer une journée agitée
© Airbus Heritage – DR
Pour terminer cette évocation, Gilbert Defer nous parle de l’ambiance de ces vols d’essai très particuliers qui exigeaient habileté et endurance. Extrait du spécial Icare « Concorde et son histoire. »
Gilbert Defer.
On a pu ainsi construire point par point la carte des marges de fonctionnement en accumulant un nombre impressionnant de pompages. Au cours d’un même vol, leur répétition finissait par taper un peu sur les nerfs : surtout que cette méthode d’approche degré par degré faisait rejoindre le pompage avec une progressivité un peu sadique. Avant les coups de canon de l’instabilité franche, l’entrée d’air maltraitée par les braquages inusuels de ses surfaces de contrôle, commençait à gronder : c’était ce que les Anglais appelaient le « rough running », phénomène précurseur du pompage proprement dit. Cette vibration bruyante s’enflait progressivement, chacun baissant un peu plus la tête dans ses épaules, concentré silencieusement sur son travail tandis que Henri égrenait sur l’interphone des « encore, encore » successifs pour encourager le mécanicien à braquer davantage les surfaces en essais jusqu’au pompage brutal qui déclenchait les procédures de récupération… et un sentiment paradoxal de soulagement.
Toujours est-il que cette méthode de travail très empirique a pleinement réussi : après une mise en place à Nouasseur le 3 octobre 1974, le Mach maximum de 2.23 était atteint le 17 octobre (marge pratiquement nulle et pompage quadruple garanti à 1380 nœuds – 2500 km/h de vitesse sol, cela fait un souvenir !)
Les vols de mise au point allaient se poursuivre jusqu’au 24 novembre. La « campagne entrée d’air Casa » se terminera par trois vols de certification avec les équipes d’essais des services officiels. Côté français, les pilotes Pierre Bolliet et Pierre Dudal étaient associés respectivement aux ingénieurs Alain Guinaudeau et Nicolas Lapchine. Côté anglais Gordon Corps et Keith Perrin représentaient la CAA. Infos lesvolsdeconcorde.com. Ecoutons pour finir, Gilbert Defer
Après un dernier repas amical avec l’équipe britannique de Ted Talbot, il ne nous restait plus qu’à abandonner notre campement marocain et regagner Toulouse pour les uns, Filton pour les autres. Ce fut chose fait le 28 novembre 1974 : la régulation des entrées d’air était complètement définie et certifiée.
GD
(*) Une explication schématique du pompage d’entrée d’air sur une entrée d’air bidimensionnelle de type “Vigilante”, différente de l’entrée d’air de type Leynaert qui équipe Concorde.
